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Pour finir elle était partie compter en miles et en fahrenheit l’interstice entre le connu et l’ailleurs.
Elle devait apprendre si elle était faite pour ça : traverser l’océan, griller des kilomètres de bitume dans des bus aux poussées chaotiques, montrer son visage pâle et exposer son corps trop blafard d’avoir oublié le soleil pendant une demie année.
Elle voulait goûter au voyage rêvé, celui des Invitations baudelairiennes, des compositions fantasmatiques d’un Douanier Rousseau - entrer dans les forêts obscures, grasses de plantes vertes et de fleurs vénéneuses, habitées par mille bruits effrayants de bêtes sauvages embusquées.
Et elle les avait traversés, ces paysages d’un bout du monde - en étrangère, en froussarde invétérée, en éternelle spectatrice : chaud paradis clair-obscur projeté sur l’écran du voyageur, de la voyageuse, de celle qui n’est que passante, parce que déjà un autre-part l’appelle, qu’il y a un bus à prendre, un avion, un taxi et que tout est trop court pour avoir le temps de penser, de ressentir, de vivre la plus minuscule des émotions, qu’on pourra juste multiplier les clichés, photographiques des plages carte postale, et les stéréotypes de filles en maillot de bain qui marchent sur la plage en fredonnant un air de vacances.
Jet lag
Miami
Côte Riche
I speak spanish
Like it’s raining on Paris
Bleu l’écran pacifique
Chaude la mer des langueurs crocodile
Profondeur de lagon vert des jungles humides
Où le capucin grimace son reproche sauvage
De bus, en avions et en taxis pris
Un envers du monde
On m’a dit : paradis…
Jet lag
Miami
Costa Rica
Il speak espagnol
Like it’s raining on Paris !