Nicolas Fargues n'est pas que beau

Publié le par Maude

  
    Je ne m’étais jusque là pas fait d’avis sur l’écrivain Nicolas Fargues. Je m’amusais juste de voir ce jeune premier honorer les plateaux télés de sa mine littéraire. Pourquoi d’ailleurs inviter des auteurs vieux et moches quand on a un éventail assez conséquent de gueules d’amours intronisées par les cercles les plus influents ??!!
    Pour aller au bout de la confession, j’ajouterai que je m’amusais à établir des parentés physionomiques entre la mâchoire de l’un et le dégradé capillaire de l’autre, à établir une sorte de portrait type de l’auteur masculin à succès. Et à la manière des torchons people, je jouais aux recompositions portraitistes : prenez un Raphaël Enthoven, mélangez-le à un Florian Zeller et vous obtiendrez : un Nicolas Fargues !
    Débile ? Je l’admets sans peine. Je ne vole pas toujours haut mais je suis constamment prête à faire vaciller mes préjugés.
    Voilà donc que dans les rayons dépeuplés de ma bibliothèque de quartier, ma main tombe sur Beau rôle, l’avant dernier roman du bel auteur. Bonne joueuse, j’admets que le titre s’assoit assez ironiquement sur mes jeux puérils. La quatrième offre en outre un condensé alléchant en jouant sur l’ambiguïté de la petite annonce :
Jeune premier plus si jeune ayant connu succès public au cinéma cherche rôle aux côtés actrice célèbre. Présente signe particulier mais demande être jugé sur pièce. Metteurs en scène franco-français s’abstenir.
    Je me lance dans la lecture de l’ouvrage avec l’âme de la plus innocente lectrice.
    Malheur ! Les cinquante première pages me laissent de marbre : ouais, sympa, mais pas de quoi en faire un fromage… Je ne trouve ni souffle, ni style particulier. La construction narrative semble sans surprise.
    C’est juger un peu vite. L’intelligence du roman, la ruse du romancier se révèlent justement au seuil de la cinquante et unième page. Et c’est parce que ces cinquante premières pages semblent anodines, banales dans la forme et le fond que le portrait d’Antoine, jeune comédien de trente-cinq ans se révèle fin, acide et incroyablement honnête.
    La quatrième offre implicitement le mordant de l’histoire : Antoine est beau et un peu célèbre grâce au succès de son dernier film White stuff. Il est plutôt arrogant, méprisant (surtout avec la clique enseignante) et il entend coucher avec toutes les filles qu’il croise.      
    Mais il est aussi son envers : peu sûr de lui, terrorisé à l’idée de vieillir, abandonné par la femme qu’il aime. Il a peur de ne pas être à la hauteur de l’image qu’il donne aux autres, il interroge sans cesse sa différence - celle que je ne révèlerai pas et qui fonde la profondeur du livre-. Il porte un regard lucide sur le monde qui l’entoure mais s’arrange fort bien de la cruauté de celui-ci et s’en tire toujours avec le beau rôle.
    « Pour moi, la littérature est indissociable de l’honnêteté. » a déclaré Nicolas Fargues. Et son roman sert bien cette profession de foi. Ce portrait est d’une honnêteté absolue ; il ne fait pas l’impasse sur les petites faiblesses, les bassesses quotidiennes. Et il n’a pas non plus de complaisance pour les tourments, les drames, la monstruosité du Moi. Toutes ces choses qu’on peut reprocher aux romans (que j’adore néanmoins) d’Emmanuel Carrère.
    Le résultat est très actuel dans les problématiques traitées et dans l’écriture dénuée de tout effet, de tout artifice, collant impeccablement aux personnages.
   Le dépouillement recherché est propre à faire tomber les masques, à rompre les faux-semblants. Il met à mal ce jeu des apparences qui fait les beaux jours de la comédie sociale et auquel nous (moi la première) sommes toujours prêts à succomber.

Publié dans Littérature

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A
<br /> ça y est je l'ai lu ce "beau rôle" et j'ai été séduite moi aussi...décidément, je vais aller plus loin avec cet auteur et partir en quête de ses autres oeuvres. Il y a une jolie profondeur derrière<br /> ses écrits!<br /> <br /> <br />
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H
<br /> Il ressemble au Matteo de "Nos meilleures années"...<br /> <br /> <br />
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A
<br /> Me voilà obligée de le lire, tu m'as convaincue!<br /> J'ai lu "J'étais derrière toi" cet été et il se trouve que ce livre m'a vraiment touchée et que j'ai aimé le style et le ton de Nicolas Fargues.<br /> Voulant associer un visage à cette plume j'ai recherché à quoi ressemblait cet auteur sur mon moteur de recherche favori : surprise : l'homme est beau, en plus d'être doué. Pourquoi faut il que<br /> cela m'ait surprise?<br /> En tout cas ton texte m'a convaincue d'aller plus loin : je vais lire d'autres ouvrages de Fargues, à commencer par "Beau rôle". Merci encore de tes (si bons) conseils!<br /> <br /> <br />
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Q
<br /> Disons que si un jour je tombe par hasard dessus, je regarderai.<br /> <br /> Merci pour cette piste de lecture. :)<br /> <br /> <br />
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