Retour du monde

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IMGP1535.JPGMe voici de retour après une échappée dont il me faudrait vous narrer toutes les subtilités, mais j’aurais besoin d’un peu plus que les quelques bouts de journée dévolus à ces pages pour vous dresser autre chose qu’un inventaire.

A défaut de cet autre chose – pour le moment en tous cas – voici donc l’inventaire (j’ajouterais volontiers en aparté que j’adore ces inventaires, toutes ces listes déjà avalées et que j’aurais peut-être dû conserver comme les photos-jalons qu’on range dans des albums, témoignages de celui ou de celle que l’on a été et que l’on a oublié, ignoré parfois ; des listes pour ranger sa vie à sa guise et pour retenir le meilleur et le moins bon : petites rubriques des plaisirs, colonnes d’horreurs ou bourrasques de désillusions.

Des listes : les efficaces, les incongrues, les poétiques, les fanatiques ; la liste offre au quotidien un acte de création, d’association irrésistible – une petite porte ouverte sur le rêve, le sens floué des choses – ) Un inventaire disais-je donc, censé justifier le vide, l'immobile, bref mon absence en ce lieu. Commençons :

J’ai transformé ma cuisine en aquarium – parois vert d’eau, décor plastique et gros poissons-,

J’ai passé trois jours avec un plombier qui menaçait – clope au bec - de faire une crise cardiaque,

J’ai surpris ma voisine de 70 ans, nue, dans sa salle de bain,*

Je suis partie,

J’ai longé les plages normandes* en pensant au Proust de Balbec, caressé les champs verdoyants avec la rudesse d’un Maupassant, puis rattrapé les quais, le pont des Arts, l’île Saint-Louis d’un Aurélien,

J’ai cru lire : feuilleté trois livres sans en élire un seul,

J’ai entraîné mon chéri à l’exposition Courbet par la seule force de L’Origine du monde,

J’ai marché, pédalé au point de toucher la légèreté,

J’ai foulé les gravats, le sable et le bitume,

Éprouvé le dur, le tendre, le froid et la chaleur de ces contacts,

J’ai rencontré un homme dans le métro,

Aimé cette pause dans le mouvement,*

J’ai assisté à une mauvaise chute de vélo,

De nuit, dans une rue mal éclairée,

J’ai vu un couple de japonais s’embraser fougueusement en plein courant d’air,

J’ai fait deux cent photos aléatoires,*

J’ai gribouillé des syllabes informes sur mon carnet Pigna nature,

Cru capturer quelques instants de vérité pure,

Réduits en poussière au seul bruissement du papier,

J’ai croisé plus de russes en une traversée du faubourg Saint-honoré que dans toute ma vie,*

Je suis rentrée,

J’ai mangé tellement de chocolat au lait que je ne pourrai plus dire d’un air distingué : « Moi je n’aime que le chocolat noir 80%. »,

J’ai fait 20 minutes d’abdos-buste, 25 minutes de cuisses-fessiers et 45 minutes de bike sans crier à la performance,

J’ai été ivre avec un unique verre de sangria,

J’ai perdu ma trace,

Refait ma vie en carreaux de ciment,

Revu la règle des trois adjectifs,

Une aventure magnifique, extraordinaire, inoubliable,

Une parcelle de temps insignifiante, inutile, insipide,

J’ai vu trois films,*

Voulu trois enfants,

Pensé à la Sainte Trinité,

Su distinguer le jour des Saints et la fête des morts,

Ai définitivement abandonné l’idée de la crémation,

J’ai embrassé ceux que j’aime,

Et j’ai

Repris espoir,

Dans les histoires.

 

 

Ps : *Les astérisques devraient donner lieu à des développements ultérieurs.

Publié dans Ecriture

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V
C est fou ce que l on peut apprendre en lisant une telle liste ...
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