Débocalisé(e)

Publié le par Auteur(e)

IMGP1561.JPGJe vais quitter mon bocal
le temps de fouler d'autres macadams
Je vais un peu déserter ces pages
mais
ne partez pas si vite!
je ne m'absente
que le temps de cultiver deux ou trois (im)perfections... 
Comptez donc une ou deux inspirations  et 
Madame reprendra place,
sage et disponible.





Pour me faire pardonner
cette petite escapade
je vous offre
l'un de mes textes poétiques préfèrés.
A tutti : Ciao

A l’heure où la lumière enfuit son visage

dans notre cou, on crie

les nouvelles du soir,

on nous écorche. L’air est doux. Gens de passage

dans cette ville, on pourra

juste un peu s’asseoir

au bord du fleuve où bouge

un arbre à peine vert,

le temps de faire ce voyage avant l’hiver,

de t’embrasser avant de partir ? 
Si tu m'aimes
retiens-moi, le temps de reprendre souffle, au moins,

juste pour ce printemps, qu’on nous laisse tranquilles

longer la tremblante paix du fleuve, très loin,

jusqu’où s'inclinent

les fabriques immobiles…

Mais pas moyen. Il ne faut pas que l’étranger qui marche

se retourne, ou il serait changé

en statue : on ne peut qu’avancer. Et les villes

qui sont encore debout brûleront. Une chance

que j’aie au moins visité Rome, l’an passé,

que nous nous soyons vite aimés, avant l’absence,

regardés encore une fois, vite embrassés,

avant qu’on crie

« Le Monde » à notre dernier monde

ou « Ce Soir » au dernier beau soir qui nous confonde…

Tu partiras.

Déjà ton corps est moins réel

que le courant qui l’use, et ces fumées au ciel

ont plus de racines que nous. C’est inutile

de nous forcer. Regarde

l’eau comme elle file

par la faille entre nos deux ombres. C’est la fin

qui nous passe le goût de jouer au plus fin.

 

Philippe Jaccottet, L’Effraie

 

Publié dans Ecriture

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